Intro 2014

Guidée par les principes de métamorphose et d’interaction, Sylvie Pichrist transforme et transcende les objets et les habitudes du quotidien. Les objets usuels, les vêtements, les accessoires créés et, ou, transformés puis réutilisés, font écho au cycle perpétuel de la vie en constante mutation.
Hormis le fait de nous convier à ses installations, à ses workshops ou à ses « cérémonies », l'artiste utilise la photographie et la vidéo comme supports à une démarche fictionnelle qui s’illustre également à travers la performance ou la mise en scène d’elle-même, avec ironie et poésie.
Les traces d'une société déshumanisée et de sa perte de contact avec la nature sont les "toiles de fond" de ses “mises en abîme” subtiles qui soulignent la fragilité et les limites de l’interaction avec “ l’Autre ”.

Seconde papillon ! - Catalogue ARtour - Frédèric Rolland - 2013

 

Sylvie Pichrist pratique l'art de la performance. Mesurées, précises, millimétriques, ses performances sont pensées et ajustées. Elles nous placent dans un univers poétique... mais sans tarder, la poésie fait place à une tension sourde qui s'immisce dans les situations et les images qui en témoignent; le spectateur retient son souffle en attendant la chute. Car c'est toujours sur le fil que Sylvie Pichrist se place. Dans le trompe l'oeil d'une matérialité qu'elle met en scène, elle défie l'équilibre et nous pousse à une chute, toujours imminente, toujours contenue, toujours à venir. Une fois l'action passée, elle relie les débris de ses performances, les réutilise et les magnifie en créant de nouvelles déclinaisons de l'univers dont ils sont issus. Ces prolongements, mises en abymes des performances originales, Sylvie Pichrist les offre à notre contemplation. © FredRolland 2012

Tableaux vivants, taleaux vibrants - L’Art-même - Pascale Viscardy – 2008

         “Je creuse de belles grottes derrière mes personnages. Je crois que cela donne exactementce que je désire: humanité, humour, profondeur”

Virginia Woolf

          Invitée dans le cadre de l’exposition sur l’eau, mise en oeuvre par la Pass, et misant toujours sur le pouvoir de la métaphore visuelles, sylvie Pichrist revisite la réprsentation funébre de la mythique Ophélie au travers d’un process qui questionne la métapoétique de l’eau. Puisque l’eau fait la transition entre la vie et la mort étant tout à la fois créatrice et destructrice.

          Jouant de cette dualité, la noyade d’ophélie s’opère chez sylvie pichrist au travers de l’idée de réminiscence d’images enracinées se livrant telle une figuration possible d’un éternelle recommencement. L’image de l’artiste revêtue d’une robe d’éponges confectionnée à dessein se noie inlassablement dans les eaux d’un aquarium pour ensuite renaître et se fixer sur la pierre, symbole du corps humain en alchimie. En cette transmutation, le corps est fixe en comparaison à la volatilité de l’esprit, la pierre morte est en cela à l’opposée de la pierre philosiphale, laquelle est bien vivante. Le jeu de la pellicule dans le liquide figure à souhait un cheminement initiatique. Elément de la régénération corporelle et spirituelle. L’eau est tout autant symbole de fertilité et de pureté.

        A l’opposé, l’Ophélie de J-E Millais est repeinte à l’infini par la plasticienne dans les eaux d’un second aquarium. Cet impossible, cette “dissolution” nourrit à son tour l’idée d’une trace symbolique qui n’est pas sans évoquer un monde qui s’étiole et qui meurt forgeant une image fondamentale de la rêverie des eaux, de même qu’un renvoi au malheur dissous qui associe également volontiers l’eau à l’élément mélancolique par excellence. Perdre pied pour mieux avoir prise sur le monde restera on le sait le rêve suprême de Virginia woolf: “oh! Pouvoir sans effort entrer et sortir des choses, m’y plonger au lieu de demeurer sur les bords !“

         De la même manière que l’eau, la forme du feu ou de a fumée oriente le sens de la métaphore. Comme l’eau, le feu est ambivalent, à la fois destructeur ou source de vie. Suivant un dispositif précis mettant d’emblée en oeuvre la différence d’échelle et , par la même, la possibilité d’une échappée du reél, Sylvie Pichrist nous convie, en la Galerie Arte Coppo, à une performance telle une invitation à la rêverie métaphysique. Au coeur d’une spatialisation sonore tressée de part en part tel un murmure obsessionnel, une formule magique incantatoire se superpose au bruit lancinant de la machine à coudre avec laquelle l’artiste dessine une couronne de papier d’Arménie.

       La coiffe ainsi façonnée et revêtue par l’artiste se consume insensiblement esquissant une figure paradoxale. Visuellement la coiffe relie l’esprit à la puissance céleste, la fumée s’élevant tandis que les cendres sont récupérées par l’artiste en un rituel de purification dont le miroir n’est pas étranger. Celui-ci n’ambitionne-t’il pas d’emprisonner en son sein tout un arrière monde qui lui échappe...

      Qu’en est-il également de ce rapport au caractère changeant et insaisissable que ne se lasse pas de cpnvoquer l’artiste ? Ecoulement de la parole, fluidité de la fumée qui nous ramène tout naturellement à l’eau et , dès lors, à ces éléments premiers que l’alchimie qualifie d’état ou de modalité de la matière; “l’eau étant le symbole et le support de la liquidité tandis que le feu, plus subtil encore, répond à la notion sbstantielle du fluide éthéré(...) et la notion phénoménale du mouvement des dernières particules des corps. “

     Tableaux ouvrant à l’expérience du sensible tout autant que machines à produire un imaginaire poétique, fertile et référencé, les oeuvres de Sylvie Pichrist agissent comme de puissantes métaphores de métaphores, les matériaux du visible et de l’invisible qui nous taraudent.

Sylvie Pichrist et la robe d’Andromède – Bénedicte Merland - 2004

       Sylvie Pichrist porte depuis longtemps un intêret marqué pour la couture et le vêtement ; elle obtient d’ailleurs la boursse de recherche octroyée par la Fondation de la Tapisserie et des Art muraux de Tournai en 1997. Mais il ne s’agit d’aucune manière pour l’artiste d’utiliser le fil , l’aiguille et le tissu afin d’illustrer un quelconque sujet. Car si son oeuvre apparaît d’emblée multiforme (vêtement, installation, vidéo, photo,...) sa cohérence tient à la constance du sujet qu’elle étudie: l’humain, ses rapports à autrui et à lui-même. Ainsi le vêtement, plus qu’une “seconde peau”-- image un peu usée – est-il davantage perçu comme un élément qui unit l’individu au monde, ou qui l’en protège. Pour une exposition dans l’ancienne Brasserie des Alliés de Machienne-au-pont, en 1999, la jeune artiste dispose sur le sol une série de bouteilles remplies d’eau dans laquelle elle enferme des photographies de proche ou liées à des événements qu’elle à vécus. Lentement, la dégradation des clichés colore le liquide de teintes multiples, toutes différentes, chaque bouteille devenant le réceptacle d’un souvenir particulier. Qui n’a jamais porté avec lui de semblables photographies, perdues au fond d’une poche d’un sac ? Dans un autre travail Sylvie Pichrist entreprend une vaste enquête, notament auprés d’inconnus abordé dans la rue, pour qu’ils lui révèlent le contenu caché de leur besace ; la variété des réponses et parfois, le rejet que suscite une question perçue comme intrusion, témoignent du rapport très intime que l’on entretient avec un accessoire vestimentaire devenu, lui ausi, réceptacle d’une partie de la personnalité de son propriétaire. Développant ce concept, et partant du principe que le vêtement en dit long sur celui qui le porte, l’artiste élabore un sac-robe, puis une robe qui se transforme en tente, refuge pour le corps et l’esprit. Installée sur une colline de Toscane, lieu de tournage d’un court-métrage intitulé “Les égos”, elle accueille individuellement, bon nombre des participants au film, lassés de la vie communautaire... Car l’enfer, ce n’est pas toujours , mais enfin, parfois, les autres : sur une magnifique robe dont la blancheur évoque le mariage, mais la coupe une tenue de soirée, Sylvie Pichrist a planté des milliers d’épingles, véritable carapace à l’épreuve des plus audacieux – et tour de force pour celle qui saura en supporter le poids. Le métal qui a percé le tissu le rend perméable au regard, comme si la visibilité naissait d’un excès de protection. A ces perforations correspond parfois un grain de beauté, dont l’artiste a entrepris de dresser la cartographie. Mis à plat, le dessin de cette peau ressemble soudain à une constellation, dont les limites sont celle d’un patron de couture. Les photographies couleurs de l’épiderme, dans des tonalités sans cesse changeante selon la lumière, évoquent les vues d’un téléscope spatial: vertigineux raccourci, qui replace soudain le corps à l’échelle du cosmos. Mais pour désigner certaines parties de la grande galaxie d’Androméde, les astronomes ne parlent’ils pas d’une “ceinture” nouée à sa “robe” ?

La voie lactée ou la cartographie intime de Sylvie Pichrist – Kim Leroy – 2003

         Le travail plastique de Sylvie Pichrist semble de développer parallélement à un maniement constant de la métaphore, nous renvoyant à cette notion ancienne de “transport à une chose d’un mot qui en désigne une autre” (aristote, Poétique, 1457b) sauf qu’en l’occurence la proposition se trouve inversée. C’est l’oeuvre qui dans sa conception même renvoie d’emblèe à d’autres déterminations. Formulée symétriquement, la métaphore deviendrait dès lors le “ Transport à un mot d’un objet qui appelle un autre mot”, or la force d’une proposition plastique est précisément de pouvoir se dispenser du passage par le verbal. L’objet en ce cas renvoie directement à d’autres objets, c’est à dire que les rapports d’analogie dont ces métaphores plastiques procèdent, ne sont plus redevables d’une connaissance conditionnée par un apprentissage culturel complexe mais s’ouvre à l’expèrience sensible la plus commune. Le rapport privilégié au sensible en ce qu’il peut porter par lui-même de force symbolique caractérise tout particulièrement la démarche de Sylvie Pichrist et son rapport à la création artistique.

        Ainsi, les oeuvres de cette artiste se déploient sur un fond métaphorique particulièrement prégnant issu d’expériences partagées par tous, jouant sur les déplacements de sens et visant au- delà de ce qui est perceptibel et saisissable de prime abord grâce précisément à l’analogie des expériences sensibles.

        La peau, le vêtement, les accessoires sont des thèmes récurrents que l’on trouve dès le début du cheminement artistique de sylvie Pichrist. Ce fil rouge perceptible dans osn oeuvre nous situe à un noeud de signification particulièrement dense, protection et ouverture au monde, identité et devenir individuel, la peau aussi comme agent relationnel. Ainsi a-t’elle fait cette expérience, un brin surréaliste, de littéralement se mettre dans la peau d’une vache et d’aller à la rencontre de “congénères” affublée de ce leurre vestimentaire.

        Toujours dans ce rapport d’analogie des expériences sensibles, Sylvie Pichrist nous propose une cartographie de son corps et plus précisément l’inventaire de ses points de beauté, dénomination quelque peu paradoxale pour ce qui médicalement relève de la tumeur.

         Il y a effectivement un côté étrange et mystérieux qui nourrit notre rapport à ces petits grains sombres qui parsèment le corp et forment autant de petites planètes dont l’exploration reste incertaine en dépit de leur proximité. Du microcosme intime de ces naevi égarés à la surface de la peau au macrocosme de l’univers stellaire, la cartographie reportée en négatif sur un tissu suspendu joue sur cette ouverture sensible de l’imaginaire et nous rapelle la présence de l’inconnu au plus intime de notre propre corps. Le trouble advient de cette relation entre deux ordres de grandeurs dont on saisit l’écart infini et qui pourtant sont unis dans un même mystère.